Catégorie : Témoignages

  • Victimes D’ABUS dans L’Eglise : Sortir du SILENCE #3

    Dans cet épisode, Marie-Jo Aeby, qui a reçu plusieurs plaintes de victimes d’abus sexuels protestantes au sein du groupe SAPEC, partage son propre parcours et celui d’autres victimes qu’elle accompagne, soulignant l’importance cruciale de la reconnaissance et de la guérison.

  • Témoignage de Jacques Nuoffer

    Journée de formation à Zurich – Mercredi 16 novembre 2022 Commission d’experts de la CES « Abus sexuels dans le contexte ecclésial » Conférence annuelle des commissions diocésaines d’experts suisses «Attentes, revendications, démarches auprès de l’Eglise et des commissions/ personnes de contacts dans l’Institution».

  • Témoignage de Sr Christiane: « La vérité vous rendra libre »

    JOURNEE DE FORMATION CES DU 16 NOVEMBRE 2022 à ZURICH

    Je vous parle en tant que victime – témoin, et aussi en tant que religieuse, actuellement en communauté à Cressier/ Neuchâtel.

    J’ai été victime d’un prêtre en 1960. Ma famille vivait une étape difficile et le curé, ami de mon père, m’avait prise en pension. J’avais 14 ans. A l’époque, j’étais encore une enfant. Chaque soir, j’étais terrorisée. Je n’arrivais pas à m’endormir car souvent, il s’introduisait dans ma chambre. Durant des semaines, il a abusé de moi.
    Au même moment, ma sœur d’un an mon aînée était, elle aussi, victime du même prêtre et cela pendant plusieurs années. Chacune a gardé le silence, et lorsque nous avons pu en parler cinquante ans plus tard, en 2008, quelle sidération ! 

    En 2018, lorsque j’en ai parlé à ma Supérieure Provinciale, elle m’a encouragée à me faire connaître. C’est grâce à la journée du mémorial à Fribourg en 2019 et à la rencontre avec Marie-Jo Aeby du groupe SAPEC que nous avons pu faire le pas. Ce fut une véritable libération. Ma soeur est décédée six mois après que nous ayons été reçues par Monseigneur Morerod, et cinq après ses entretiens à la CECAR. Voici ce qu’elle écrivait à la CECAR, une fois la responsabilité reconnue par l’Eglise :

    « Comment vous exprimer ma joie et ma reconnaissance ? Je suis en fin de vie, phase terminale de deux cancers. Grâce à vous, la boucle est bouclée. Pour moi, c’est un miracle de la vie. 60 ans de silence et juste devant la mort, la reconnaissance ». 

    J’ai compris là qu’il n’est jamais trop tard pour sortir du silence et que, jusqu’à la dernière minute de notre vie, la démarche en vaut la peine.

    J’ai choisi la CECAR parce que, remplie de honte et de culpabilité d’avoir été salie par un prêtre, il m’était impossible de me présenter à eux, membres de la commission diocésaine. Et aussi par solidarité pour les victimes qui ont quitté l’Eglise. 

    Il m’a été communiqué récemment le témoignage d’une personne victime de ce même prêtre à l’âge de 15 ans et durant 20 ans. Cette femme, peu avant son décès, s’était confiée à son fils. Celui-ci a mis 15 ans pour le communiquer à son évêque en précisant : « par son témoignage, ma mère souhaitait qu’il corrobore le récit d’autres victimes. »

    Aujourd’hui, je suis contente de m’exprimer au nom et pour toutes les personnes victimes, spécialement celles qui sont emmurées dans leur silence ; pour celles qui viennent demander un accompagnement au groupe SAPEC ou ailleurs. Et pour leurs proches, victimes collatérales.

    Mon engagement au groupe SAPEC a été accepté par ma Supérieure provinciale mais il n’engage que moi. Mgr Morerod, le reconnaît ; je l’en remercie !

    Ce que j’attends de l’Eglise aujourd’hui ? 

    Un réel effort de vérité et de loyauté : Qu’elle fasse toute la lumière sur les actes abominables, les crimes dont elle porte la responsabilité. J’attends qu’elle agisse principalement sur trois axes : 

          1)  Qu’elle mette tout en œuvre pour que les victimes sortent du silence  

    2)  Qu’elle mette les victimes au centre de ses préoccupations

    3)  Qu’elle sorte de la culture du secret et de l’entre-soi

    1) Qu’elle mette tout en œuvre pour que les victimes sortent du silence

    Beaucoup de victimes sont encore dans le silence. Il faut des décennies pour sortir de la honte et de la culpabilité. Faire la démarche demande beaucoup de courage car tout remonte en vous et c’est très douloureux. Et la plupart du temps les victimes, blessées par l’Eglise, ne souhaitent pas revenir à elle. Il y a aussi celles qui ne veulent pas dévoiler leur souffrance par égard pour l’Eglise et pour ne pas blesser leurs proches, souvent de bons chrétiens. Cela m’attriste et me préoccupe au nom de l’Evangile. C’est pourquoi je voudrais ici crier ma demande d’appels à témoignages. C’est mon appel le plus pressant, ma priorité absolue. 

    Je demande haut et fort aux autorités de l’Eglise de lancer un appel à témoignages systématique dès qu’une affaire est connue et pourquoi pas, lors d’un événement à saisir. Qu’elles publient un communiqué dans la presse et un courrier aux personnes ayant fréquenté l’établissement ou la paroisse en question. 

    Et qu’en tout temps, elles aient une adresse de contact mail ou un numéro de téléphone facilement accessible sur leur site. Ce n’est malheureusement pas le cas dans tous les diocèses !

    Mais il faut aller plus loin encore. Il faut se mettre à la place des victimes qui ont quitté l’Eglise et ne lui font plus confiance et leur offrir une possibilité de contact téléphonique neutre et indépendant tenue par des professionnels, par exemple une ligne téléphonique à l’échelle du pays, comme le suggère depuis plusieurs mois IG-MIKU. 

    2) Qu’elle mette la victime au centre de ses préoccupations

    Messieurs les évêques, et vous, responsables d’Ordre monastique et de Congrégation, je vous le demande avec insistance : ne vous dérobez pas à l’appel d’une victime ! La rencontrer, c’est prendre en compte sa dignité. C’est également reconnaître le délit, le crime commis au sein de l’Institution. 
    Ayez le souci de l’orienter vers la cellule diocésaine ou une association de victimes comme la nôtre en lui donnant le choix. Qu’aucun d’entre vous ne fasse la sourde oreille comme ce fut le cas pour moi, lors d’une retraite. Le moment était venu de sortir mon cri si longtemps étouffé, mais le prêtre détourna la conversation. Souffrance aggravée de ne pas avoir été prise en compte. Etais-je à ce point-là vouée à ne compter pour rien ? A mériter le mépris ? Longtemps je l’ai cru, ce qui s’est rajouté à mon sentiment de honte et de culpabilité. Je ne pense pas être un cas unique ! 

    J’attends que les évêques et supérieurs, informés d’un cas d’abus, entreprennent immédiatement les démarches judiciaires et ecclésiastiques adéquates.

     Et qu’ils facilitent à la victime la lecture du dossierPersonnellement, j’ai eu accès au dossier. Ce fut un moment important pour moi. Je demande qu’il en soit ainsi partout et pour tous.

    3) Qu’elle sorte de la culture du secret et de l’entre-soi

    On parle beaucoup des abuseurs dans les médias ; « bien de trop me dit-on ! En faisant cela, ils attaquent l’Eglise ». Mais c’est sous la pression des médias que les scandales sortent et que les responsables réagissent !  
    Je remarque également un silence poignant de mes Sœurs lorsqu’une nouvelle affaire est dévoilée. Lorsqu’un membre est dénoncé puis reconnu coupable, toute la Congrégation souffre pour lui, pour elle. Nous oublions la victime.
    Il en a été de même pour Patrick Goujon, jésuite, victime et auteur de « Prière de ne pas abuser ». « Avant d’écrire à l’évêque, dit-il, je m’en suis ouvert à un ami de confiance, jésuite comme moi. Il me recommandât de ne pas en parler, de ne pas remuer tout cela. Cependant, je sentais qu’il me fallait parler ».  
    C’est ce qui arrive dans ma Congrégation, dans d’autres aussi, j’imagine, et en Eglise : « Surtout, ne pas en parler, ne pas remuer tout cela. » 
    « Il y a si longtemps ! » disent mes Sœurs. Mes propos choquent, alors je me tais. Ou alors, je m’insurge : « Vous ne pouvez pas comprendre » ! Elles ne savent pas que la mémoire du corps ne s’efface pas ; elle reste intacte comme une empreinte qu’il faut apprivoiser. Je suis perçue comme le trouble-fête, celle qui veut du mal à l’Eglise. Depuis les scandales récents en France, je réalise leur désarroi.

    J’attends donc de l’Eglise qu’elle soit touchée au moins autant par la souffrance des victimes que par le drame que vivent les auteurs d’abus et l’institution qui a permis ces crimes,

    Que les évêchés se dotent tous d’une personne qualifiée pour explorer systématiquement les dossiers des prêtres et agents pastoraux afin d’y repérer les moindres indices, facteurs d’abus. Pareil pour les Congrégations ! Dans le dossier que j’ai pu lire parce qu’il me concernait, j’ai repéré un élément douteux qui, aujourd’hui, serait lu comme suspect et à examiner sérieusement comme indice au problème.

    Que les victimes connaissent le résultat des enquêtes et des sanctions imposées à leur agresseur. Qu’une communication soit faite à la paroisse ou à l’environnement dans lequel il se trouve désormais.  

    Au niveau de la communication :

    La publication des mesures ou sanctions canoniques est une question délicate à laquelle il faut réfléchir ; nous savons qu’elle peut permettre à de nouvelles victimes d’oser parler. 

    J’attends une plus grande collaboration des responsables diocésains et des Congrégations religieuses avec le groupe SAPEC et IG Miku en Suisse allemande. 

    Des informations sur la formation des séminaristes et les actions concernant la prévention. 

    Une journée de prière-témoignages dans tous les diocèses annuellement ou à définir.

    Et surtout, j’insiste pour mon appel à témoignages et la création d’une ligne téléphonique neutre et indépendante de l’Eglise pour permettre aux personnes meurtries et encore enfoncées dans leur silence d’oser se manifester. Cela serait un signe fort qui exprimerait la volonté de l’Eglise de sortir de l’entre-soi et un témoignage important pour la société.  

    En conclusion :

    Je souhaite aux responsables de l’Eglise d’oser regarder en face la violence intra-ecclésiale, la trahison de l’Eglise. Aujourd’hui, nous avons tous conscience qu’il s’agit aussi d’emprises, d’abus spirituels, de pouvoir et de conscience.

    Je souhaite que les victimes majeures au moment des faits puissent se faire entendre et que leur souffrance soit prise au sérieux.

    J’ai la ferme conviction que de la vérité assumée et de la manière dont elle essaiera de combattre le mal, l’Eglise, chez nous, renaîtra des cendres. Cela va être encore très douloureux ! 
    Je me réjouis des avancées déjà réalisées. Nous vivons une traversée pascale. J’ose croire mon Eglise capable de se ressaisir et de se laisser façonner par le Souffle de l’Esprit. La démarche synodale arrive au bon moment. Gageons qu’elle portera de bons fruits !

    Christiane Marmy

  • Témoignage Brise-Glace : Dans la vie de Marie-Jo, abusée par un prêtre

    Derrière les chiffres, effarants, sur les abus sexuels au sein de l’Eglise, il y a autant de victimes. Comme Marie-Jo, agressée par un homme de foi et ami de la famille à l’âge de 15 ans. Septuagénaire aujourd’hui, elle raconte le déni, la honte, le chemin vers la reconstruction. La colère aussi, contre cette institution qui a fermé les yeux si longtemps.

    > Ecouter le témoignage.

  • Témoignage de Stéphane Hernach

    CECAR – Conférence de presse du 17.09.2020

    Témoignage de Stéphane Hernach

    Pour moi, les faits se sont produits dans les années 1974-75 dans une salle de classe du cycle du Reposieu à Monthey. Mon agresseur était un enseignant, entraîneur de football et par chance pour moi, Marianiste, sans cela la Cecar ne serait jamais rentrée en jeu.

    Quand la chape de plomb a explosé en 2016 et s’est traduite par un torrent interminable de larmes, je ne savais pas ce qui m’arrivait. Ma femme m’a accompagné et s’est souvenue que je lui avais mentionné, lors de notre rencontre en 1980, avoir été agressé dans mon jeune âge.

    Peu après ce tsunami en moi, il y eut des témoignages à la radio et des articles dans les journaux émanant d’autres victimes, qui m’ont encouragé à prendre contact avec le groupe Sapec. A la faveur d’une table ouverte de ce groupe, à laquelle était conviée la Cecar j’ai eu l’opportunité de rencontrer sa présidente, Madame Perrin-Jacquet, qui m’a conseillé de déposer une requête en réparation.

    Après une longue hésitation, je me suis lancé. La Cecar m’a répondu en me proposant une première entrevue. Je me suis retrouvé émotionnellement comme 46 ans auparavant, interrogé alors par la Police au sujet de mon agresseur … Quelle idée avais-je eu d’accepter une telle rencontre avec le Comité 1 en charge de mon dossier. Je n’en menais pas large…

    Mais Mme Renaville, M. Grivel et M. Beuchat m’ont reçu cordialement, j’ai essayé de surmonter ma peur, ma pudeur et ma culpabilité pour me présenter à eux et leur exposer les motifs de ma démarche. Et là, l’un d’entre eux m’a dit : « M. Hernach, on ne vous demande pas de nous expliquer les faits, on vous croit. »

    Cette phrase résonne encore en moi comme un cadeau tellement improbable et inespéré que je peine encore à exprimer l’émotion qui m’a submergé ! Je m’attendais à affronter un tribunal et je me retrouve devant des personnes bienveillantes, à l’écoute et désireuses de m’aider.

    J’ai pu évoquer l’espoir de rencontrer l’Evêque de Sion, Mgr Lovey, car je pensais qu’il pourrait apporter certaines réponses à mes questionnements. C’est entouré et même soutenu par tous les membres de ce Comité de la Cecar que j’ai rencontré l’Evêque qui m’a remis des documents particulièrement révélateurs sur mon agresseur, des documents qui avaient été expressément demandés au Vatican.

    Répondant à une autre de mes demandes et grâce à la crédibilité dont jouit la Cecar, ledit Comité a ensuite pu obtenir pour moi une entrevue avec M. Darbellay, Conseiller d’Etat en charge de l’instruction publique en Valais, et son chef de service, M. Lonfat, entrevue à laquelle j’étais également accompagné de deux membres de la Cecar. Ma quêted’informations sur le parcours professionnel de l’enseignant qui a abusé de moi n’a pas porté ses fruits, du fait que les archives à ce niveau relèvent de la Commune et non du département et que le dossier recherché était trop ancien, mais j’ai pu obtenir des renseignements sur la prévention actuelle en milieu scolaire, sujet qui me tient également très à cœur.

    CECAR – Conférence de presse du 17.09.2020

    Enfin, il est apparu évident de requérir un entretien avec les responsables de la Communauté des frères marianistes, entretien que le Comité de la Cecar a également pu organiser, avec MM. Gruber et Müller à Sion. Une fois encore, j’étais soutenu par un membre de la Cecar, qui me mettait en confiance, exposait mes souhaits, intervenait comme médiateur, cas échéant.

    Les deux requêtes que j’avais expressément formulées à cette occasion ont été exaucées. La première consistait à supprimer sur la stèle dédiée aux Marianistes, au cimetière St- Léonard de Fribourg, le nom de mon agresseur, qui figurait sous l’intitulé « Anciens et amis », alors qu’il avait été expulsé de la congrégation en raison de son comportement nébuleux et insoumis.

    Le deuxième vœu exprimé résidait dans la pose d’une plaque en mémoire des victimes de pédophilie, idéalement dans une chapelle que j’avais désignée à Monthey puisqu’elle se situe non loin des différents lieux où les actes ont été commis. Le dévoilement de cette plaque, en présence de l’Evêque, de la Communauté des Marianistes, d’un représentant de l’Etat du Valais, de membres du groupe Sapec et de mes proches a été un grand moment d’émotion, le 22 février dernier. La presse s’en est fait l’écho, là aussi grâce à l’intervention de la Cecar, dont certains des représentants étaient également présents et j’espère que cet événement contribuera à une meilleure sensibilisation.

    Il est certain que ces rencontres n’auraient pas pu avoir lieu sans l’aide de la Cecar, car je n’avais ni l’énergie, ni l’audace, ni le réseau social nécessaire pour entrer en contact avec les personnes concernées. C’est aussi incontestablement grâce au professionnalisme, à la diplomatie et à la force de persuasion des membres de la Cecar que mes requêtes ont été entendues par mes interlocuteurs. Ces requêtes revêtaient un caractère officiel qu’elles n’auraient pas eu si j’avais agi à titre individuel seulement.

    Ce témoignage, je le fais pour toutes les victimes qui restent dans le silence, en particulier mes compagnons d’infortune de l’époque et je les incite à franchir le pas en s’adressant à la Cecar, dont le soutien est essentiel pour se libérer d’un tel fardeau.

    A titre personnel, j’espère aussi que l’un d’entre eux se manifestera, afin de pouvoir partager un ressenti et des souvenirs qui sont encore prisonniers d’une amnésie dont j’aimerais me libérer pour arriver au terme de ma thérapie.

    Comme je l’ai dit précédemment, la Cecar a été ma délivrance et je trouverais merveilleux qu’il existe des « Cecar » dans le milieu du sport et des écoles notamment, car le parcours des victimes reste chaotique sans appui officiel et bienveillant. Le sort des victimes de pédophilie au sein des familles est plus sombre encore.

    Je reste encore ébahi par le temps et l’énergie que m’ont consacrés les membres du Comité I de la Cecar, Je ne saurais suffisamment les remercier pour les heures et les compétences qu’ils ont engagées dans ce parcours libérateur pour moi.

    On appelle les victimes de pédophilie « les survivants ». J’ai le sentiment de l’être encore, même si les faits ont été reconnus et que je n’ai plus à me sentir coupable. Je crois pouvoir dire que c’est grâce à la Cecar et au soutien de mon entourage que je suis encore là et que je suis maintenant un survivant apaisé, peut-être même le plus souvent heureux.

    Merci de votre écoute !

    CECAR – Conférence de presse du 17.09.2020

    Stéphane