L’Assemblée Générale Extraordinaire du Groupe SAPEC s’est tenue à Lausanne le 7 novembre 2024. Le cofondateur de cette association qui soutient les personnes abusées dans une relation d’autorité religieuse, Jacques Nuoffer, a été chaleureusement remercié pour son travail de pionnier. Il a démissionné peu avant son 80e anniversaire. Pendant 14 ans, il a su attirer l’attention sur les abus sexuels commis dans l’Église catholique dans toute la Suisse, alors que de nombreuses victimes étaient soutenues par des membres bénévoles du comité.
L’ancienne vice-présidente et cofondatrice, Marie-Jo Aeby, avait déjà quitté le comité au printemps 2024.
À l’unanimité, les membres ont élu un comité transitoire qui assumera les tâches dans une responsabilité partagée : Dr. méd. Marie-Madeleine Zufferey-Sudan, ancienne vice-présidente par intérim ; Dr. méd. Myriam Caranzano-Maître ; Marc Larivé ; Hubert Varrin (trésorier) et Gabriella Loser Friedli (secrétariat et médias). Ce comité a reçu pour mission de trouver les membres – dont un président – d’un comité pérenne.
Ainsi un chanoine abuseur, devant se tenir à l’écart des cérémonies publiques, participe à l’ordination d’un confrère ! Le prévôt actuel et l’évêque du diocèse sont présents et n’interviennent pas. La personne victime, particulièrement choquée, dénonce l’attitude des prélats. Quelle est la réaction de notre association de victimes nous demande Flore DUSSEY, journaliste à RTS ? Répondant à cette dernière (RTS 08 08 22 -19h30), Mgr Lovey reconnaît avoir ressenti un malaise, mais n’a pas réagi. Il le regrette surtout vu l’impact sur la personne victime.
Notre position : exclusion de tout abuseur
Notre position est affirmée depuis 2010 : un agent pastoral et surtout un prêtre ou un chanoine, auteur de violences sexuelles, doivent être écartés de suite de tout ministère et ne plus participer à une liturgie ou apparaître en public. Selon le cas, il devrait être réduit à l’état laïc.
Ignorance et secret dans l’Eglise
Dans cette affaire, plusieurs points nous indignent et confirment que l’ignorance et le secret sont les deux mamelles de la maltraitance. Un pédocriminel couvert par une institution fait en moyenne 100 victimes selon le FBI. Des cas dans l’Eglise catholique suisse le confirment. Mais bien des prélats veulent encore l’ignorer et continuent de minimiser aussi l’impact dramatique qu’a sur une victime même un seul abus. Dans le cas d’un prêtre, il y a trois abus : abus de pouvoir, abus sexuel et abus spirituel. Mgr Lovey n’a pas encore pris conscience de la gravité de la situation. Sait-il vraiment ce que cela fait d’être abusé par un prêtre en qui on a confiance ? Dans l’interview du Temps (17 09 22), il s’exprime en termes de « phénomène », « d’évènement » au lieu de voir et de dire qu’il s’agit de crime et que le coupable doit être puni.
L’évêque juge et partie
C’est vraiment scandaleux qu’un prêtre abuseur participe à l’ordination d’un confrère, d’autant plus qu’il était suspendu de toute activité. C’est une faute grave de l’évêque de ne pas l’avoir écarté de cette ordination, même au dernier moment. Mais il faut le reconnaître, dans l’organisation cléricale de l’Eglise, la position de Mgr Lovey est intenable, comme l’a mis en évidence le rapport Sauvé : l’évêque est juge et partie, il peine à condamner ses prêtres qui sont ses « fils », parfois ex-confrères et amis !
Appel réjouissant de « François » pour en aider d’autres à sortir du silence
Ce qui nous réjouit dans cette histoire, c’est que « François », la victime du chanoine abuseur a fait appel à la CECAR, commission indépendante que le Groupe SAPEC a proposée et qui s’est concrétisée après 6 ans de démarches. « François » a ainsi obtenu reconnaissance, excuses du bout des lèvres de la part de l’abuseur et réparation. Et il relaie nos appels aux personnes victimes à libérer la parole. Nous espérons que son témoignage fort aidera de nouvelles personnes à sortir du silence et à s’adresser à la CECAR.
Notre demande : un pas supplémentaire
Il y a 10 ans, Mgr Werlen, alors Père Abbé d’Einsiedeln a été pris à partie lors d’une émission de la télévision suisse alémanique par une personne affirmant que dans son couvent aussi, il y avait eu des actes pédophiles. Il a réagi immédiatement et diligenté une enquête auprès de tous les anciens élèves de l’Abbaye. Nous demandons au prévôt du Grand-St- Bernard d’en faire autant : écrire à tous les anciens élèves du Collège de Champittet en les priant de témoigner sur ce qu’ils ont subi et vu, pour que vérité soit faite!
Mgr Lovey ne doit pas démissionner, mais assumer pleinement ses responsabilités
Nous n’attendons rien du procès canonique ! Nous demandons que tous les prêtres auteurs de violences sexuelles soient démis de leur fonction, voire renvoyés à l’état laïc pour ne plus bénéficier de l’aura du prêtre catholique encore beaucoup trop valorisée par les fidèles. Il y a peu d’espoir qu’un nouvel évêque mesure la réalité de la situation comme un Mgr Morerod ! Mgr Lovey vient une fois de plus d’être confronté aux vécus des victimes et à la situation intenable d’un évêque dans ces affaires de pédophilie. Il ne doit pas démissionner, mais s’engager fermement à faire sortir l’Eglise de l’ignorance et du secret.
Et il pourrait glisser à l’oreille de son confrère, prévôt du Grand-St-Bernard, que la démarche demandée par le Groupe SAPEC constitue un pas dans la bonne direction. Une telle enquête aurait d’ailleurs dû être lancée dans tous les pensionnats catholiques de Suisse. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.
La demande de Théo MOY, journaliste débats-idées à La Croix, et les informations de l’enquête de ses collègues nous ont donné l’occasion de faire le point sur l’évolution de la lutte contre les abus sexuels au sein de l’Eglise catholique depuis notre prise de position qui a suivi la publication du Motu proprio Vos estis lux mundiil y a trois ans. Marie-Jo Aeby, vice-présidente, et moi avons rédigé l’état des lieux ci-dessous qu’il avait l’intention de publier sous forme de témoignage-tribune dans les colonnes de La Croix.
Nos constatations et commentaires à propos du Motu proprio Vos estis lux mundi du 9 mai 2019
Trois ans ont effectivement passé depuis le 9 mai 2019 et la publication de « Vos estis lux mundi » et ses mesures prises par le Pape François concernant le signalement des cas de violence sexuelle, abus de pouvoirs et abus de conscience.
Lors de sa publication, nous avons reconnu que ce Motu proprio allait dans le bon sens, notamment avec l’obligation de signaler à l’Eglise tout soupçon d’agression sexuelle ou de harcèlement, y compris contre des personnes majeures et avec l’appel à la dénonciation de toute tentative de couvrir des faits au niveau de la hiérarchie. Mais nous avons critiqué le maintien du secret absolu de la confession, l’absence de mention de dédommagements financiers en faveur des victimes, le fait que ces dernières ne puissent pas avoir accès à leur dossier, la tenue à l’écart de leurs associations, l’absence d’une instance juridique indépendante qui serait en charge de juger les clercs abuseurs à travers le monde et enfin le rôle central confié à l’archevêque métropolitain qui n’a aucune obligation de s’entourer de personnes indépendantes et compétentes.
L’enquête de Xavier Le Normand et Loup Besmond de Senneville indique que les mesures positives ne semblent pas être appliquées dans l’ensemble des diocèses du monde. Rien d’étonnant quand on sait que, dans de nombreux pays, l’image de l’Eglise continue de peser bien plus que la réalité vécue par les victimes !
Ainsi les nombreux freins dans l’Eglise sur ces questions, que je signalais dans la fin de mon interview* sur Cath.ch le 10 mai 2019 (cf. ci-dessous), sont encore plus importants que je ne le supposais et l’application réelle des mesures annoncées est décevante, malgré la pression que nous cherchons à exercer à travers ECA et le SNAP.
Certes ce Motu proprio allait dans le bon sens, mais même si un effort a été fait pour que les diocèses disposent d’une traduction, il n’en reste pas moins que les écrits inappliqués n’ont pas d’effet ! Et nos critiques d’il y a trois ans restent pertinentes, n’ayant été l’objet d’aucune évolution.
Cette enquête confirme donc que l’Eglise catholique dans le monde est loin de répondre aux attentes des personnes victimes telles que nous les exprimons en Suisse. Voici d’autres remarques importantes pour nous.
Même si des bureaux de signalement ont été mis en place çà et là, ils manquent encore dans de nombreux diocèses. On peut d’ailleurs se demander si les évêchés constituent la bonne porte, vu l’« entre soi » qui prévaut encore tant au sein de la hiérarchie catholique.
La mise en place, à l’échelle nationale, d’un lieu neutre et indépendant des autorités ecclésiales, composé de professionnels formés à l’écoute des victimes, nous parait vraiment plus adéquat.
Nous doutons également que les prêtres d’un diocèse ou d’une congrégation religieuse dénoncent l’un des leurs, bien que ce soit devenu une obligation depuis 2019.
Ne faudrait-il pas d’ailleurs aller plus loin et demander aux auteurs d’abus de se dénoncer eux-mêmes. Que ce soit une exigence de la hiérarchie. Si c’était le cas, quel signe fort les autorités donneraient aux victimes qui ont tant de difficulté à sortir du silence.
La Fondation Herbert Haag pour la liberté dans l’Église (https://www.herberthaag-stiftung.ch/) a été créée en 1985 par Herbert Haag, professeur de théologie à l’Université de Tübingen, sur la base de la conviction suivante :
La crise actuelle dans l’Église est due à sa constitution, qui doit inévitablement conduire à l’absence de liberté des croyants. Cette situation est en contradiction ouverte avec le message de Jésus, qui a proclamé un évangile de liberté. La Fondation Herbert Haag pour la liberté dans l’Eglise ne va pas y parvenir, mais elle souhaite au moins en donner des signes.
La Fondation Herbert Haag a décidé de récompenser en 2022 quatre groupes ou personnes luttant en Allemagne, en Autriche et en Suisse contre les abus sexuels commis au sein de l’Eglise. Lors de la manifestation, le 13 mars 2022, un des prix a été décerné à Jacques Nuoffer pour l’association du Groupe SAPEC (Suisse romande) et à Albin Reichmuth pour IG-MikU, Groupe d’intérêt des personnes concernées par les abus dans le milieu ecclésiastique (Suisse alémanique). Elle veut notamment encourager les associations de victimes à poursuivre leur engagement. Le prix, d’un montant de 10’000 francs suisses, est réparti entre les deux associations.
Mes motivations passées et lesmodèles de notre engagement actuel Témoignage de Jacques Nuoffer au cours de la cérémonie
Oser enfin trahir après des mois d’hésitation et d’angoisse, la promesse du secret qui m’avait été imposée, m’a permis de me libérer du piège dans lequel j’étais enfermé.
Dans les années qui ont suivi, je n’ai parlé qu’en confession de la lente mise sous emprise que j’avais subie depuis l’âge de 14 ans par ce prêtre ami de la famille et de la manière dont il a abusé de moi !
C’est dix ans plus tard, alors que tout me souriait avec la naissance inespérée de ma fille Sidonie, que le traumatisme a resurgi et que ma vie a été bouleversée. Je me suis investi plein d’espoir dans une psychanalyse à Fribourg, puis à Paris. Mon couple en a été ébranlé. Je n’ai pu être pleinement disponible pour ma fille qui en souffrit! Je suis heureux qu’elle soit là aujourd’hui et j’espère que cette journée va donner du sens et de la réparation pour elle aussi.
Quarante ans après que j’aie dénoncé mon agresseur, vers 2005, ma compagne, par ailleurs pédopsychiatre, me démontra que le problème n’avait pas été pris en charge correctement : pas de dénonciation à la police, mais une remise en question personnelle alors que ce n’était pas le sujet, pas d’information, pas de reconnaissance, pas de réparation !
Je décidai de m’occuper de ces sujets dès ma retraite, à 63 ans, il y a 14 ans !
D’entrée, je vécus comme un nouvel abus les refus de l’évêque et de la congrégation du prêtre pervers de répondre à mes demandes!
Lors d’un témoignage anonyme à la radio romande, j’ai lancé un appel auquel Marie-Jo Aeby et Gérard Falcioni ont répondu. Nous avons fondé l’association du Groupe de Soutien Aux Personnes abusées par des Prêtre de l’Eglise Catholique le 22 décembre 2010.
Ensemble avec Marie-Jo Aeby, Marie-Madeleine Zufferey-Sudan, Hubert Varrin, Jean-Marie Fürbringer, Eric Paulus, Valerio Maj, nous avons persévéré malgré les non-réponses de la majorité des prélats, mais avec le soutien surtout de deux d’entre eux : Mgr Martin Werlen et Mgr Charles Morerod.
Ainsi depuis 11 ans, nous œuvrons notamment
pour l’application des mesures décidées par les Papes et les directives de la CES
pour le lancement d’un travail d’enquête sur les abus
pour la refonte de la sélection des séminaristes et de la formation des prêtres
pour le développement de la prévention et de la formation de tout le personnel catholique
Mais la réalisation unique et originale est l’Accord CECAR entre des évêques et supérieur-e-s et le Groupe SAPEC suite aux travaux d’une commission tripartite : Victimes – Prélats – Parlementaires.
Le but de cet Accord est d’offrir, au sein d’une commission indépendante, écoute, information et réparation aux personnes victimes qui ne veulent plus avoir à faire avec l’institution qui ne les a pas protégées : la CECAR (Commission d’Écoute, de Conciliation, d’Arbitrage et de Réparation).
Depuis le début, l’engagement et les démarches du Groupe SAPEC s’inspirent du modèle de Louis Joinet et de l’analyse de Gabriel Ringlet.
Louis Joinet a caractérisé la justice institutionnelle et définit les droits des victimes :
à l’information
à la justice,
à l’assurance de prévention
et à la réparation
Gabriel Ringlet a souligné que la pédophilie dans l’Église catholique n’est pas un accident de parcours, ni un immense fait divers. Cinq critères sont nécessaires pour déboucher sur une indispensables réparation institutionnelle.
L’Eglise catholique suisse est en passe d’en satisfaire trois !
Demande de pardon
Réparation
Recherche
Mais quand seront sérieusement abordé les deux autres critères :
L’église doit s’interroger sur sa position concernant la sexualité !
L’église doit s’interroger sur le pouvoir du prêtre !
Prix de la Fondation Herbert Haag décerné à Jacques Nuoffer
La Fondation Herbert Haag a décidé de récompenser en 2022 quatre groupes ou personnes luttant en Allemagne, en Autriche et en Suisse contre les abus sexuels commis au sein de l’Eglise. Un premier prix a été décerné à Jacques Nuoffer pour l’association du Groupe SAPEC (Suisse romande) et à Albin Reichmuth pour IG-MikU, Groupe d’intérêt des personnes concernées par les abus dans le milieu ecclésiastique (Suisse alémanique). Le prix, d’un montant de 10’000 francs suisses, est réparti entre les deux associations.
Rapport de la CIASE (France) – Recherche suisse sur les abus sexuels dans l’Eglise
En France, après deux ans et demi de travaux, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) a rendu public son rapport le 5 octobre 2021. L’ampleur de cette recherche et qu’elle ait réussi à faire travailler ensemble historiens, juristes, psychologues, psychiatres, sociologues, démographes et théologiens, constituent un modèle pour toutes les études futures. Le Groupe SAPEC a saisi l’occasion pour prendre position face au projet de recherche suisse envisagé sur la même thématique. Le 6 décembre, les autorités de l’Eglise annonçaient avoir mandaté deux historiennes de l’Université de Zurich pour mener une recherche indépendante. Nous avons salué cette décision attendue par le Groupe SAPEC depuis 2010, mais relevé qu’une approche pluridisciplinaire s’imposait pour comprendre ce qui s’est réellement passé. Nous avons également demandé que des universitaires de la Suisse latine soient associés et insisté pour que notre Association, ainsi que nos homologues de Suisse alémanique puissent participer, dès le départ, à la recherche.
Journée d’étude organisée conjointement avec une université romande
Ce projet avance et nous espérons bientôt pouvoir vous annoncer le lieu et la date de cette journée d’étude. Elle visera à éclairer les éléments qui ont permis tant d’abus de pouvoir, souvent d’ordre sexuel, dans le contexte religieux.
Site internet
Nous travaillons à la création d’un nouveau site internet qui remplacera notre site actuel. Davantage centré sur les besoins des personnes cherchant de l’aide et offrant un design plus actuel, il sera mis en ligne, sauf imprévu, durant le premier trimestre 2022.
Soutien de la Loterie Romande
La LoRo vient de nous accorder un don de 20’000.- francs, ce qui nous permettra de financer le nouveau site web, la Journée d’étude et peut-être une prestation théâtrale.
Collaboration avec l’Association IG-MikU, notre homologue en Suisse allemande
Nos contacts avec Albin Reichmuth, président de IG-MikU, sont réguliers et nous veillons à faire avancer ensemble nos revendications face aux autorités de l’Eglise.
Chers Ami-e-s et Membres du Groupe SAPEC, nous vous souhaitons une Bonne et Heureuse Année 2022 et vous remercions de votre soutien !
Jacques Nuoffer, président Marie-Jo Aeby, vice-présidente
Les résultats de la recherche de la CIASE confirment l’ampleur du phénomène et la diversité des facteurs favorisant les abus sexuels dans l’Eglise, comme nous l’avions déjà relevé dans notre Mémoire SAPEC 2013-2014: Mémoire SAPEC 2013-2014.
Voici en bref ce que nous constatons et revendiquons pour la recherche en Suisse.
Nos constatations
La définition du projet s’est faite dans un « entre-soi » du magistère de l’Eglise catholique, sans consultation des premières intéressées, les victimes. D’où le refus de nous inclure, ce qui est un non-sens. En sciences humaines, on reconnait aujourd’hui les principaux intéressés comme des actrices et acteurs incontournables dans l’élaboration des méthodes, du cadre et des contenus des recherches.
Le projet de recherche se fera sans aucun-e expert-e issu du milieu académique de la Suisse latine.
Cette absence de chercheur-e-s de Romandie ou du Tessin invités à s’impliquer dans la recherche et le refus d’y associer les victimes qui réclament cette étude depuis plus de dix ans, est indigne et nous met en colère.
Nos revendications
Face à l’ampleur du phénomène des abus sexuels commis au sein de l’Eglise catholique, nous demandons une recherche impliquant une diversité de spécialistes dans les champs de la psychologie, la psychiatrie, la sociologie, la criminologie, l’histoire, le droit, la théologie, etc. Si la CIASE en France a atteint le niveau d’excellence, c’est parce qu’elle a incité des chercheur-e-s de disciplines très différentes à travailler ensemble.
Pour trouver les bonnes personnes, dynamiser et coordonner le travail des chercheur-es, nous demandons que cette commission soit présidée par une personnalité suisse d’envergure, une figure rassembleuse, de haute valeur morale.
Nous demandons que des chercheur-es romand-es et tessinois-es participent à la recherche et que la sensibilité latine soit ainsi représentée.
Nous demandons que la commission mise en place communique régulièrement par la publication du nom des chercheur-e-s et de leurs spécialités, les thèmes étudiés et les méthodes utilisées (se référer au travail de la CIASE).
Nous demandons que cette commission aille à la rencontre des associations de victimes de Suisse latine et de Suisse alémanique, écoute, entende leurs paroles et les associe tout au long du travail des chercheur-e-s.
Les résultats de la recherche de la CIASE confirment l’ampleur et les facteurs favorisant les abus sexuels dans l’Eglise, mis en évidence dès la fin du siècle dernier et résumés dans notre Mémoire SAPEC 2013-20141. C’est un grand pas pour la France.
Les évêques français étaient à la traîne : vont-ils faire le pas suivant ?
Dans une lettre de mars 2016, j’interpellais les évêques français et une quinzaine de journalistes avec cette question : « Ni reconnaissance ni réparation pour les victimes d’abus sexuels prescrits de l’Église de France : pourquoi ? »
En mars 2017, dans l’article du Figaro2, M. Alain Christnacht, Président de la Commission nationale d’expertise contre la pédophilie de la CAF estimait que les évêques français avaient progressé en trois périodes et que leur but était atteint. En juillet, je lui écrivais : «…Contrairement à vous, je crois vraiment qu’il manque une période aux trois premières que vous mentionnez et donc que le dispositif mis en place par la Conférence des évêques français n’est pas complet. J’espère vraiment qu’au cours d’une quatrième période ces évêques, conscients de leur responsabilité morale, vont, en plus de leur parole de pardon et de leurs prières, trouver une solution qui leur est propre pour manifester à l’égard des victimes leur compassion face au traumatisme vécu et pour leur accorder une indemnité concrétisant cette reconnaissance ! »
Les propositions du rapport de la CIASE (www.ciase.fr) devraient contraindre les évêques français à concrétiser leur reconnaissance par une indemnisation. Combien d’années encore vont-ils pinailler/transiger avant de la réaliser ?
Dès 2010, les évêques suisses demandaient pardon, mais une recherche préliminaire n’aura lieu qu’en 2022 !
Les évêques suisses ont été plus rapides et efficaces, grâce à l’Abbé Martin Werlen et Mgr Charles Morerod. Ils ont reconnu leur responsabilité et demandé pardon en 2010 et accordé une indemnité aux personnes victimes dès 2016. Même celles, par dépit, qui ne voulaient plus avoir à traiter avec une institution qui ne les avait pas protégées ont pu recourir à la Commission d’écoute, de conciliation, d’arbitrage et de réparation, la CECAR, commission indépendante que les prélats suisses ont reconnue.
Dès 2010, nous avons demandé aux évêques une recherche suisse approfondie sur les abus et leurs origines, précisant nos propositions dans des lettres aux autorités de l’Eglise et à la commission d’experts de la CES. Nous avons notamment revendiqué d’être impliqués dès le départ dans la définition du projet, en nous appuyant sur l’évolution des recherches récentes en sciences humaines qui confirment l’importance d’associer les personnes concernées au concept et aux contenus. Nous n’avons pas été entendus sur ce standard minimal participatif et nous devions attendre une conférence de presse de décembre 2021 pour connaître le contenu du projet. Mgr Bonnemain vient d’annoncer en grande pompe une recherche préliminaire d’un an dès 2022, au moment de la publication du rapport de la CIASE ! Incroyable ! De qui se moque-t-on ?
La recherche sérieuse et approfondie de la CIASE s’est mise à l’écoute des victimes en créant un « groupe miroir »2 composé des représentants d’associations de victimes volontaires. « L’idée, explique Alice Casagrande, est que les historiens, les sociologues, les psychiatres n’obtiendront jamais une partie du savoir sur les abus : c’est le savoir expérientiel », celui que les victimes ont acquis par leur malheur.
Toutes les recherches de ce type aujourd’hui, y compris en Suisse, doivent donc inclure les victimes, qui sont des actrices et acteurs réels, dans l’élaboration des méthodes, du cadre et des contenus, par différentes méthodes académiques éprouvées en sciences humaines, il ne s’agit pas de théologie ici ! Les victimes ne peuvent être à nouveau colonisées, sans aucun droit à la parole sur ce que l’on dit et pensent d’elles ! Qui plus est une des facultés suisses de criminologies doit être impérativement associée.
De quelle recherche sur les abus sera-t-il question en Suisse ?
L’expertise des victimes n’est pas seulement celle de l’expérience vécue, mais aussi celle des conséquences sociétales et juridiques à en tirer. Le groupe « victimes et réparation » a travaillé avec ce groupe miroir. Ensemble, ils ont creusé des sujets tels que la réparation, la réponse de l’Eglise, la réponse pénale… Au bout du compte, la CIASE a su gagner la confiance des victimes. François Devaux, de La Parole libérée, parle aujourd’hui d’un « travail d’écoute et de réflexion exemplaire » et Olivier Savignac estime que « cette commission est en train de créer une révolution : nous ne sommes plus seuls ».
Notre association de personnes victimes – la seule en Suisse, rejointe récemment par l’association IG-MikU (Interessengemeinschaft für Missbrauchbetroffene im kirchlichen Umfeld) en Suisse allemande – n’a pas pu s’exprimer4 sur ce projet de recherche. Tenue, pour on ne sait quelle raison, à l’écart de la définition de la recherche prévue, elle reste très préoccupée malgré les paroles de Mgr Bonnemain. Nous nous posons une série de questions sur l’étude préliminaire annoncée pour 2022 ; va-t-elle
aller à la rencontre des victimes ?
écouter les personnes victimes qui ont quelque chose à dire ?
auditionner les associations de victimes ?
donner une place proportionnée aux chercheurs romands et tessinois et leur permettre d’exprimer leur sensibilité ?
publier les noms des chercheurs engagés et leurs spécialités ?
publier les thèmes qui vont être étudiés et les méthodes utilisées ?
se référer au travail de la CIASE : dans quels domaines (méthodes de travail, paramètres pris en compte, relations avec les associations de victimes) ?
intégrer les apports scientifiques et académiques d’une faculté de criminologie ?
Il nous paraît légitime d’obtenir des réponses à ces questions et nous souhaitons bénéficier d’autant d’égard et d’attention que les personnes victimes et leurs associations ont reçus de la CIASE et d’être associés dès le départ comme elles, aux travaux du groupe de recherche suisse.
4) Seul un de nos membres, Stéphane Hernach, a été invité à témoigner de son vécu sur la TV canal9. Il a appelé notamment à une journée annuelle d’écoute des victimes. https://canal9.ch/le-journal-du-07-10-2021/
Le comité très actif en ce moment est heureux de vous partager quelques bonnes nouvelles !
Notre assemblée générale
15 personnes ont participé à notre assemblée générale le 28 juin sur zoom (PV AG), dont deux invité-e-s Romaine Girod, doctorante à l’UNIL qui rédige une thèse sur les abus sexuels commis au sein de l’Eglise et Marc Artzouni, responsable du SNAP pour l’Europe.
Renouvellement des conventions
Les personnes présentes ont été heureuses d’apprendre par votre président que les conventions relatives aux réparations en faveur les victimes (cf. PV AG, p. 2, 7) étaient reconduites pour 5 ans.
Objectifs du Groupe SAPEC pour 2021-2022
Intensifier les relations avec les membres et amis du Groupe SAPEC.
Renforcer notre visibilité et présence auprès du public.
Développer les relations avec la CECAR et autres associations proches.
Poser des exigences pour que le projet de recherche de l’Eglise catholique suisse soit de qualité tant dans sa réalisation que lors de la publication des résultats.
Poursuivre notre travail de soutien aux victimes et à leurs proches.
Continuer de manière soutenue notre travail de vigilance: de nombreux prélats n’ont pas encore compris la réalité des abus et leur contexte systémique.
Rendre notre site internet plus accessible et être présent sur les réseaux sociaux: pensons à la génération des enfants des victimes ! Nous pouvons compter désormais sur l’aide que nous apporteront Elisa et Clara pour ce qui touche au numérique.
Fêter les dix ans du Groupe SAPEC
La COVID a interrompu quelque temps notre élan de réflexion à ce sujet. Mais aujourd’hui, nous préparons 2 événements pour 2022-2023, si les demandes de fonds en cours aboutissent.
Le 1er sera une conférence ou – si nos finances le permettent – une journée d’étude. Elle aura lieu dans une Université ou un HES à Lausanne ou Genève.
Le 2e sera une pièce de théâtre. En 2020, un auteur-comédien français a écrit « Pardon » https://www.vimeo.com/472152616 une pièce autobiographique que notre ami Alain a vue à Avignon en juillet et que nous diffuserons si possible dans les six cantons romands.
En raison de la crise sanitaire, nous ne pouvons pas encore planifier ni la date ni le contenu de l’assemblée générale 2021 qui sera liée à une manifestation relative aux dix ans du Groupe SAPEC. En attendant, nous tenons à vous donner quelques informations importantes.
En complément du rapport annuel 2020 ci-joint qui vous informe sur les activités du Groupe SAPEC en période de confinement, voici les principaux objectifs que nous avons choisis pour 2021.
Intensification de nos relations avec nos membres.
Introduction de l’envoi à nos membres de nouvelles régulièrement et invitation à ce qu’ils s’associent à la manifestation marquant nos 10 ans qui aura lieu lors de la prochaine AG.
Propositions à nos membres de nous donner des coups de main ponctuels, par exemple pour créer une petite base de données des articles de presse, rassembler des informations sur un sujet, ou autres projets liés à leurs connaissances ou compétences, etc.
Démarches pour renforcer la visibilité et la présence du Groupe SAPEC
Développement des relations et collaborations avec des institutions comme Bénévolat VD / LAVI / Pro SENECTUTE / Dis No / HES / UNI, etc.
Création d’un nouveau site internet qui contiendra les informations actuelles, de nouvelles rubriques, tout cela de manière plus attractive et plus facile à consulter.
Actualisation des informations de Wikipédia sur les abus sexuels dans l’Eglise catholique en Suisse et conception d’une page sur le Groupe SAPEC
Développement des relations avec la CECAR
Soutien plus actif des activités et engagements du conseil
Développement des échanges avec notre représentante au sein du conseil
Projet de recherche
Nous poursuivons notre soutien au projet de recherche sur les abus sexuels commis par des agents pastoraux de l’Eglise catholique suisse
en insistant sur la nécessaire participation d’une personne victime dans le groupe de travail et
en exigeant un engagement pour une totale transparence dans la publication des résultats.
Ouvrages traitant les thèmes qui nous préoccupent
Nous avons mis sur notre site (http://www.groupe-sapec.net/livres.htm) une liste d’ouvrages traitant de la problématique des abus sexuels au sein de l’Eglise catholique.
Signalons le livre « Derrière la boulangerie » d’Anne-Marie Francey-Gremaud, Ed. Faim de Siècle, La vie des gens 2018, Deuxième édition. C’est un récit remarquable.
En restant disponible pour répondre à vos questions et demandes, je vous remercie au nom de membres du comité pour votre soutien moral et financier.
En fondant notre association le 22 décembre 2010, nous avions pour buts d’obtenir justice et réparation pour les cas d’abus sexuels par des prêtres, application des mesures et directives des Papes et de la CES, création d’une commission d’enquête sur les abus sexuels commis, révélation de la vérité sur le passé et soutien effectif aux victimes, collaboration avec des associations similaires et information des membres et du public !
Nous avons sélectionné sous Documents les textes clés évoquant les 10 ans d’engagement du Groupe SAPEC et, sous Presse écrite ou Radio-TV, les témoignages et interviews les plus significatifs. Ils attestent que notre engagement et notre persévérance ont débouché sur quelques réalisations positives, la plus originale étant la CECAR, Commission d’Écoute, de Conciliation, d’Arbitrage et de Réparation, neutre et indépendante !
Mais ceci ne fut possible que grâce à la détermination au long cours des membres du comité, à l’ouverture de quelques prélats, au soutien de parlementaires et à l’engagement de personnalités de la société civile pour mettre en place et maintenir cette structure malgré les limites posées à son indépendance par certaines autorités ecclésiales. Cette indépendance n’est peut-être pas acquise et cela pose des questions à résoudre.
Lors d’une journée de bilan, les membres de notre comité ont pu constater l’atteinte de bien des objectifs, mais ils ont regretté de n’avoir pas réussi à aider plus de personnes victimes d’abus par des agents pastoraux à sortir du silence, notamment des religieuses, ni à accélérer le démarrage d’une recherche indépendante et approfondie sur tous les abus commis dans toutes les sphères d’activités de l’Eglise catholique suisse, ni à développer davantage la collaboration avec les institutions et personnes victimes de Suisse alémanique.
Ainsi le comité est actuellement en pleine réflexion pour définir plus précisément les buts et les nouveaux objectifs concrets qui orienteront nos activités à l’avenir et dès l’an prochain. Ceux-ci seront proposés et discutés lors de la prochaine assemblée générale annuelle, en mars 2021 vraisemblablement. C’est à cette occasion que nous espérons vous rencontrer pour fêter vraiment avec vous nos 10 années d’engagement et vous renouveler nos remerciements pour votre confiance et votre soutien.